Le meurtrier Paul Bernardo restera en prison au grand soulagement des familles des victimes qu'il a assassinées et des femmes qu'il a violées il y a plus de 30ans. La Commission des libérations conditionnelles du Canada a refusé de le libérer après une audience émouvante mardi à la prison La Macaza, au Québec, où le prisonnier de 60ans a été transféré l'an dernier.
Les deux commissaires, qui ont entendu Paul Bernardo durant plus de deux heures, ont conclu qu'il représentait toujours un danger pour la société à cause du risque de récidive.
Àlire aussi:
- Bernardo: la Commission des libérations conditionnelles revoit la requête des familles
- Transfert de Paul Bernardo: la décision était judicieuse et conforme, selon un rapport
Le risque qu'il commette de nouvelles violences sexuelles ne permettrait pas une libération, même partielle, selon eux. La Commission doit rendre ses raisons par écrit à une date ultérieure.
Avertissement: cet article pourrait choquer la sensibilité de certains lecteurs.
Paul Bernardo a été condamné en1995 à la perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25ans à l'issue de son procès pour le rapt, le viol et le meurtre prémédité de deux adolescentes en Ontario en1992.

Il a également été reconnu coupable d'homicide involontaire au sujet de la mort, en1990, de Tammy Homolka, la sœur de 15ans de son ex-épouse, Karla Homolka.
Publicité
Il a en outre admis avoir violé une douzaine de femmes à Toronto dans les années1980 et1990 avant de quitter Toronto pour St.Catharines, dans le Niagara.
Position des familles des victimes
L'audience a donné lieu à de nouvelles déclarations émouvantes de la part des familles French et Mahaffy, qui ont renouvelé leur demande pour que les requêtes de Paul Bernardo soient entendues tous les cinq ans afin de leur permettre de ne pas revivre leur traumatisme aux deux ans.
Donna French s'est adressée aux commissaires sur une plateforme numérique, faute de pouvoir se rendre dans les Laurentides.
Cela fait 11680 jours que je dois vivre sans ma belle et tendre fille et que je suis incapable de la serrer dans mes bras, de l'embrasser et de lui dire combien je suis fière d'elle et combien je l'aime.
En tant que mère, je n'ai aucun mot pour décrire mon agonie
, dit-elle. Sa disparition représente un trou dans mon cœur, c'est une parenthèse de ma vie qui ne sera jamais comblée
, précise-t-elle.
Elle qualifie le meurtre de sa fille comme une perte insensée et brutale
en soulignant que cela n'a pas été facile d'apprendre à vivre sans sa fille durant 32ans.

On dit que le temps guérit, mais je n’y crois pas un seul instant, car je ne suis pas encore guérie
, mentionne-t-elle en rappelant les pensées envahissantes qui lui viennent constamment à l'esprit
au sujet de sa fille.
Remplie de sollicitude et d'abnégation, MmeFrench dit penser aux autres mineures qu'elle dit vouloir protéger.
Le pire cauchemar auquel je dois encore faire face est l'idée qu'un autre enfant tendre et innocent puisse vivre ce que Kristen, Leslie et toutes les autres victimes ont vécu.
Deborah Mahaffy a pour sa part dit espérer que les commissaires comprennent bien la nature sadique, manipulatrice et psychopathe
de Bernardo et la menace perpétuelle
qu’il représente pour la sécurité publique.
Les psychopathes comme Bernardo sont incapables de comprendre et de présenter des excuses pour ce qu'ils ont fait… Après toutes ces années, il est incapable de reconnaître qu'il a enlevé, violé, torturé et tué Leslie, avant de démembrer et de jeter son corps dans la nature.
Elle ajoute qu'elle continue, malgré la douleur, à essayer d’oublier les horreurs de la mort de Leslie
et à chercher un peu d'espoir et de paix grâce aux merveilleux souvenirs
de sa fille, pourvu que Paul Bernardo ne constitue plus jamais un danger pour qui que ce soit.
Elle explique que la désignation de délinquant dangereux accolée à Paul Bernardo le place dans une catégorie à part qui devrait empêcher toute libération, faute de quoi une telle étiquette n'aurait aucune signification
.

MmeMahaffy affirme que sa responsabilité et celle de sa famille consistent à protéger la mémoire et la dignité de Leslie et à obtenir justice pour sa fille.
La femme de 71ans avertit d'ailleurs les deux commissaires que le meurtrier a appris à manipuler le système et les différents tests psychologiques qui lui sont administrés.
En demandant justice pour Leslie et Kristen et les autres victimes de Paul Bernardo, vous devez garder à l’esprit que la psychopathie se caractérise par la manipulation, le mensonge, la ruse, le narcissisme et souvent l'intelligence.
Elle a enfin décoché une flèche à l'endroit de la Commission en lui rappelant que son absence de transparence est grave parce qu'elle cause de la peur, de la panique et de l’anxiété
, ce qui est injuste
pour les familles.
Publicité
Les deux familles tentent depuis des années d'obtenir des documents confidentiels relatifs aux demandes de libération conditionnelle de Paul Bernardo.
Position du meurtrier en série
Paul Bernardo a affirmé que son confinement solitaire en prison est un châtiment cruel qui enfreint ses droits inscrits dans la Charte. Tout individu, aussi ignoble soit-il, a des droits
, dit-il d'entrée de jeu.
Il demande aux commissaires de tenir compte de la maltraitance dont il se dit avoir été victime à l'adolescence.
Un argument qu'il n'avait jamais présenté lors des précédentes audiences, parce que ses parents étaient toujours en vie.
Il explique que son père n'est pas son père biologique et que sa mère a été battue par l'homme qu'elle fréquentait lorsqu'elle a quitté son mari. Il ne voulait pas s'occuper du fils de son rival
, poursuit-il.

Paul Bernardo, qui se décrit comme un bâtard, accuse son père naturel d'avoir agressé sa sœur et de ne lui avoir jamais montré d'affection.
C'était un voyeur et un homme froid
, déclare-t-il en affirmant qu'il a alors commencé à mal se comporter en apprenant la vérité sur sa conception.
Il explique que sa mère l'a négligé et qu'il n'avait toujours aucune relation intime à 16ans, parce qu'il ne savait pas vers qui se tourner.
C'est le début de mon infamie
, ajoute-t-il. Il affirme qu'il a agi par vengeance contre ses victimes, parce qu'il sentait que ses parents l'avaient trompé.

Je voulais leur faire payer ma douleur
, poursuit-il en expliquant qu'il voulait rendre la pareille aux hommes qui avaient maltraité sa mère.
Je suis devenu sadique, j'objectivais les femmes qui étaient devenues à mes yeux des trophées
, déclare-t-il.
Il mentionne qu'il était habité à l'époque par un sentiment d'infériorité à cause de son adolescence. Plus vous vous sentez inférieur, plus vous exagérez l'agressivité qui vous anime
, explique-t-il.
Paul Bernardo affirme qu'il n'a aucune excuse pour ce qu'il a fait, qu'il n'en rejette aucunement la faute sur ses parents et qu'il assume aujourd'hui la responsabilité de ses crimes.

Je ne voulais pas les faire souffrir
, poursuit-il en parlant des deux adolescentes qu'il a violées. Mais elle a retiré son bandeau et elle m'a dévisagé, si bien que je ne pouvais plus la laisser partir
, précise-t-il.
Il mentionne qu'il a d'abord utilisé des drogues anesthésiques ou des pilules pour les endormir. Le meurtre est devenu justifié par légitime défense
, déclare-t-il.
Paul Bernardo affirme qu'il accepte la désignation de délinquant dangereux qui lui a été donnée. Il ajoute qu'il n'a plus aucun désir sexuel, qu'il ne se masturbe plus et qu'il n'a plus l'intention de faire du mal à quiconque.
Je vis comme un moine
, conclut-il. Fataliste, il reconnaît en répondant à un commissaire qu'il n'est toutefois pas prêt à obtenir une libération conditionnelle pleine et entière.
Position des autorités carcérales
Le Service correctionnel du Canada note que Paul Bernardo s'est bien conduit depuis son transfert à la prison à sécurité moyenne de La Macaza, en mai2023.
Il a été obéissant, il n'a commis aucun impair, il ne fait face à aucune accusation, il s'est bien intégré depuis son arrivée
, explique l'agente correctionnelle Rose Kendall.
MmeKendall précise en outre que Paul Bernardo avait terminé avec succès un programme pour délinquants sexuels en apprenant les documents par cœur
.

MmeKendall souligne toutefois que Paul Bernardo représente toujours un risque de récidive de modéré à élevé.
Il surestime les progrès qu'il a accomplis en prison et il sous-estime les risques qu'il représente toujours pour la communauté
, mentionne-t-elle.
MmeKendall ajoute qu'il n'existe encore aucun plan étoffé pour minimiser le risque que représente Paul Bernardo s'il devait être libéré, si bien qu'une libération, partielle ou entière, doit lui être refusée.
Il serait tout aussi injustifié de le laisser sortir de prison pendant quelques heures, comme il le demande, pour l'autoriser à se joindre à une thérapie de groupe avec des contrevenants remis en liberté
, conclut-elle.