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La star de la saga "Taxi", primé à Cannes avec "Indigènes" en 2006 s’invite dans "Mémoires à vif" sur France 3, tourné à Valbonne, autour d’un sujet délicat: la guerre d’Algérie, en lien avec la journée nationale d’hommage aux Harkis.
Mathieu Faure Publié le 28/09/2024 à 14:00, mis à jour le 28/09/2024 à 14:00
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1998, la France gagne la Coupe du monde grâce à deux coups de casque de Zinedine Zidane dans le buffet de l’équipe du Brésil. Pendant ce temps, l’Hexagone découvre une autre icône: Daniel Morales.
Dans la vie, Daniel est taxi à Marseille, ses yeux sont perçants, bleus, la voix est éraillée, le verbe juste et le regard malicieux. Daniel, c’est Samy Naceri un acteur jusqu’ici méconnu qui, par la folie autour du film "Taxi" produit par Luc Besson, va devenir une star incontournable.
En moins de dix ans, Naceri enchaîne les projets majeurs comme "Le Petit Poucet", "Nid de guêpes", "La Mentale" ou encore "Indigènes" pour lequel il obtient le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes, film qui raconte la vie de quatre soldats de l’Armée française de la Libération, trois tirailleurs algériens et un goumier marocain.
Œuvre majeure de Rachid Bouchareb, "Indigènes" interpelle alors Jacques Chirac, Président de la République, sur le sort des "Indigènes", ces soldats venus libérer la France et, ensuite, laissés sur le carreau, sans pension, sans statut d’ancien combattant, sans reconnaissance. Dans l’oubli et la misère.
La fiction peut, aussi, servir à ça. Éveiller les consciences. Raconter des histoires que les manuels scolaires effleurent.
Un peu de lui dans le personnage
Après "Indigènes", Samy Naceri retrouve un rôle militant en campant Marwann dans "Mémoires à vif" sur France 3. Dans ce téléfilm de Julie Gali, avec Stéphane Freiss et Meena Rayann, dont l’action se situe entièrement à Valbonne (le tournage y a eu lieu il y a deux ans, lire par ailleurs), un adjoint au maire est attendu pour inaugurer une plaque commémorative en hommage aux harkis, mais son corps est retrouvé, flottant dans un bain de sang, dans la piscine de sa villa...
À l’occasion de la Journée nationale d’hommage aux harkis qui se tient depuis 2021, chaque année, le 25 septembre, France Télévisions propose cette fiction inédite qui met en lumière, à travers un polar et des personnages forts, la résonance aujourd’hui de la situation des harkis qui ont combattu aux côtés de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962.
Samy Naceri, d’origine algérienne, a grandi dans les années 1960-70 sur Paris et sa banlieue. Une époque où le rapatriement des harkis en France s’est déroulé dans des conditions abominables.
Traqués et massacrés en Algérie, ceux qui avaient choisi de combattre aux côtés de l’armée française dans leur pays sont arrivés dans l’Hexagone comme des pestiférés, parqués dans des camps ou des hameaux de forestage (le Var et les Alpes-Maritimes en comptaient une quinzaine).
Le personnage de Marwann a un peu de Samy Naceri en lui. "J’ai su qu’il y avait un truc fort à jouer quand j’ai reçu le scénario, se souvient l’acteur. J’ai connu cette époque où il fallait changer son prénom en arrivant en France, pour mieux s’intégrer, pour se faire une place".
Né Saïd Naceri, le jeune garçon qui rêve de donner la réplique à Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo, se fait d’abord appeler Michel et Alain sur ses premiers CV papiers avant de choisir Samy. Avec un "Y".
Quelque part, le personnage de Marwann était une évidence pour Naceri. "Le texte me parlait, ce qu’il avait traversé, son passé. Quand je faisais mes premiers castings, on me demandait souvent mon origine, d’où je venais. J’ai toujours joué à l’instinct, à l’improvisation et j’ai pu amener de ça sur Marwann, grâce à la réalisatrice Julie Gali qui a une vraie sensibilité. Je me suis reconnu en ce personnage, il déteste le mensonge, je suis pareil même si cela m’a parfois joué des tours."
Écorché vif, sanguin, Samy Naceri est un homme fragile et extrêmement fort à la fois. Entier, sans doute trop, il a dû gérer, sans être préparé, la folie "Taxi" du jour au lendemain.
"Je ne pouvais plus sortir dans la rue", rembobine-t-il. Malgré tout, après des années de doute, il n’a jamais perdu l’envie de jouer, bien épaulé par sa compagne qui le soutient, y compris sur le tournage à Valbonne.
"Il y a une souffrance des deux côtés"
"Mémoires à vif" a une signification particulière pour Naceri. "La guerre d’Algérie est un sujet tabou en France, il y a une souffrance des deux côtés. On parle d’une guerre civile et on n’a pas vraiment tiré de leçons du sort des combattants africains de 1939-45, la France a du mal à prendre soin de ceux qui ont combattu pour elle..."
Fier de son interprétation – "J’ai été à la hauteur du texte, du personnage, j’ai tout donné" – Samy Naceri espère que ce film aura une vertu pédagogique.
"J’ai encore plein de proches qui ne savent pas ce qu’est un Harki. Moi-même, avant de tourner ‘‘Indigènes’’, j’avais peu de notions sur le sort des soldats africains et leur importance dans la libération de la France. C’est important d’assumer son passé, les gens ont besoin de savoir qui a défendu la France, encore plus aujourd’hui."
Celui qui a réalisé son rêve de donner la réplique à Jean-Paul Belmondo dans "L’Aîné des Ferchaux" en 2001 reste un CV à part dans le cinéma français. Attachant, émouvant, Samy Naceri reste indomptable. Et, quand il le veut, un sacré acteur.
"Mémoires à vif", ce mercredi à 21h05, sur France 3.